9 mai 2022 1 09 /05 /mai /2022 10:01

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Trévoux le 8 avril 2012

         

       Qu'est-ce que le changement intérieur, psychologique ? Quand les hommes parlent de "ce changement", qu'entendent-ils par cela ? Pourquoi l'homme veut-il changer, et le veut-il réellement, profondément ?

    Pourquoi l'homme se soucis-t-il du changement, pourquoi ce désir ? On veut changer car ce que nous avons, ou ce que nous sommes ne nous satisfait pas. Parce que nous ne sommes pas heureux, épanouis dans notre vie, dans nos relations. Nous n'avons pas dans notre cœur la simple joie de vivre, en fait nous avons perdu le sel même de la vie. L'homme n'est pas heureux, alors il se dit qu'il doit changer, qu'il doit se transformer pour découvrir autre chose, autre chose que cette vie triste et misérable. Voilà le point de départ, le moteur de cette volonté de changement, l'homme n'est pas heureux et il veut naturellement sortir de cet état.

    Donc tout le monde parle de changement, tout le monde le désire, on fait des réunions, des colloques, on écrit de nombreux livres. On invente des "nouvelles techniques" psychologiques ou des "méditations" révolutionnaires, mais malgré tout cela, malgré tous ces nouveaux jouets pour l'esprit, profondément l'homme reste-le même. Toutes ces actions sont-elles adéquates ? Car c'est bien le problème de l'action qui se pose à l'esprit ; une fois le constat fait "Je ne suis pas heureux", que fait-on ? Qu'elle est l'action qui mettra fin à cette souffrance et rendra mon cœur léger ?

      

     Alors je fais face à ce que je suis, je vois que je ne suis pas heureux et je constate aussi que dans la société il existe de nombreuses personnes qui disent avoir changé, alors qu'il n'en est rien. Je comprend par cette observation que la changement est assez rare, et que la plupart du temps, l'homme change juste l'extérieur, il était Chrétien et il devient Bouddhiste, vivant en Europe, il part en Inde ou en Asie. Si possible un changement se doit d'être exotique, c'est beaucoup mieux et c'est bien plus valorisant. Mais là bas aussi l'homme souffre, la violence et l'ambition règne, le pouvoir et la hiérarchie régente les rapports humains. On troque le quotidien pour l'exotique, mais après quelques temps, cette "exotique" serra devenu mon quotidien, et rien n'aura changé profondément. Je comprends que les changements extérieurs ne résolvent pas le problème de la souffrance, ils peuvent agir comme un stimulant pendant un certain temps, mais quand l'euphorie retombe, on se retrouve toujours au même point.

    Je vois et je saisi que les actions venant de l'extérieur sont vécue comme des stimulants par l'esprit, comme une "drogue" qui fait oublier momentanément mon état présent ; en fait ces stimulants me distraient, me détournent du réel, mais jamais ils ne m'aident à comprendre et à voir directement ce réel.

    Là, cette enquête soulève une question importante, cruciale : Peut-on comprendre notre état d'esprit, en l'occurrence "je ne suis pas heureux", et par cette compréhension profonde, mettre fin à cet état ?  C'est la seule chose qui vaille, n'est-ce pas ? Peut-on mettre fin à la souffrance humaine ? Non pas intellectuellement, en s'enivrant de mots et de discours, mais très concrètement, cette souffrance peut-elle finir à tout jamais ?

 

   La toute première chose, nous l'avons vue, est de refuser de partir dans des excitants, des stimulants qui nous détournent du réel. Donc je ne désire pas de techniques, pas de méthodes époustouflantes qui déconditionnent l'esprit en deux ou trois séminaires bien payés. Je sens que je dois comprendre par moi-même le fonctionnement de l'esprit, car je sens, même de manière confuse, que c'est l'esprit lui-même qui crée sa propre souffrance. Je vois tout autour de moi, combien les gens tombent facilement dans le dernier "maître spirituel" à la mode, combien ils succombent à la propagande des religions et des différentes sectes en vogues. Alors je fais le lien entre mon état intérieur et l'état du monde des hommes, de la société. Soudain je vois que mon état d'esprit, ma perdition et mon désarroi, ma souffrance, tout cela c'est aussi l'état d'esprit des autres êtres humains. Il n'y a pas de différence sur le fond, l'humanité crée sa propre souffrance, et chaque être humain connaît la peur, l'effroi devant la mort, l'immense solitude intérieure et la peine de vivre. Tous nous trouvons cela injuste et cruel. Là, je pressens que la fin de la souffrance dépasse complètement "ma personne", car la souffrance n'est pas une histoire individuelle, elle concerne l'humanité toute entière.

    Alors je reviens à mon interrogation première qui s'est modifiée, elle est devenue : "l'être humain vit dans la souffrance, peut-on mettre fin à cette souffrance, totalement et définitivement ?"

  Le vrai changement c'est cela, n'est-ce pas ? Quelque chose existe depuis la nuit des temps, cette immense peine qui étreint le cœur de l'homme, cela est notre présent, notre Histoire. Peut-on mettre fin à cela, peut-on sortir de l'Histoire, rompre les chaînes du temps ?

 

   Mon état présent a été créé par mon histoire, par mes expériences, par mes tendances et mes idées. Tous ce que je suis est le résultat de contacts avec le monde, et de ma manière d'intégrer ces expériences, de les interpréter et de les assimilées. Ce qui constitue mon esprit est le produit de tout ce processus, mais je ne suis pas un individu isolé, j'ai été éduqué dans telle ou telle société qui elle-même a des modèles et des préférences culturelles, sociales et religieuses. Modèles liés à sa propre histoire, histoire elle-même influencé par l'histoire d'autre cultures ou religions. Donc nous voyons que la manière de traiter les expériences de la vie, est conditionnée par notre environnement social et culturel, lui-même étant conditionné par des influences historiques et géographiques.

   Venons-en à voir si cette société de l'homme engendre la paix ou bien la souffrance ou la guerre. Un regard impartial suffit à répondre à cette question, malgré les progrès techniques considérables, malgré les richesses produites, la souffrance règne sur le monde des hommes, partout l'injustice, le malheur et la souffrance. Il faut voir les choses telles qu'elles sont, la société génère des inégalités flagrantes, qui sont sources de conflits et de guerres. La souffrance court sur le monde, elle brûle nos vies et nos relations.

 

    Cette investigation m'amène à voir tout cela, mon esprit est le produit de mes expériences, et la manière de gérer ces expériences est venue en grande partie de mon éducation. Il y a un lien naturellement, mon esprit engendre la souffrance et la société engendre aussi cette souffrance. Donc il est primordial que je me déleste des références liées à la société, afin d'avoir une relation totalement différente avec les "expériences" de la vie. Si tout cela est bien vu, je n'accepte plus les explications toutes faites des autres, des religions, des psychologues, et je remets en questions également les miennes. Je n'admets absolument rein au préalable...Voit-on bien ce que cela représente ? Je n'admets aucune théorie inventé par les hommes, aucune philosophie, aucune croyance, car elles sont le résultat de cette "machinerie" que engendre la souffrance. Toutes les explications sont vues comme étant erronées, fruit de l'histoire et enfants de la souffrance.

  Mais que reste-t-il à l'esprit si cela est fait, véritablement, réellement. Il y a cette peine de vivre, ce sentiment de mal être, et maintenant je ne lui plaque plus dessus une savante théorie, réincarnation, enfance maltraitée ou autre, je laisse tout ça de côté. Donc cette sensation est là, très vivante et lancinante, que fait alors l'esprit ? Il ne se rattache plus aux conceptions humaines, c'est à dire qu'il ne leur accorde plus aucune importance, ce qui compte c'est cette sensation. Peut-on rester avec elle, afin de la comprendre, afin de mieux la voir ? Pour comprendre une chose il est évident qu'il faut d'abord l'observer, être avec elle, rester en sa compagnie...

    Qu'est-ce que cela veut dire ? Rester en compagnie d'un sentiment, être avec lui, c'est d'abord ne pas le rejeter, le fuir et faire un déni de sa réalité. Ce sentiment existe, "je suis triste" ou "je suis anxieux", peut-on d'abord ne pas fuir ? Pourquoi veux-t-on fuir une chose, y a-t-il une raison, un a priori dans cette action ? Je fuis devant ma peine, car je suis sur que je ne peux pas en finir avec elle, depuis toujours elle m'assaille, ne pouvant pas en finir, je préfère l'oublier en pensant à autre chose. Alors je m'enivre d'alcool, ou bien de méditations ou autres exercices exotiques, cela me distrait, mais cela ne résout strictement rien du tout. Je vois que cette diversion en fait, réellement me fait accepter la situation, et cela abêtie mon esprit, ces drogues stimulantes, prière et autre mantra engourdisse le cerveau. Loin d'aiguiser l'esprit, de le rendre vif et rapide, elles l'alourdissent et le rendent pataud... Et soudain je vois quelque chose qui se dévoile à mon regard, regardons bien, s'il vous plaît nous sommes entrain d'apprendre, d'explorer ensemble. Soudain je vois très clairement, que toutes ces fuites en fait, sont une des raisons qui empêchent tout changement. En effet elles disent "Nous allons vous aider à supporter ce fardeau, à le rendre plus léger", mais en fait elles font accepter le fardeau à l'esprit. Il n'y a aucune naissance d'un regard clair, d'une compréhension vivante qui met fin au fardeau.

    Donc voyons bien, avec profondeur et discernement, toute fuite nourrit ce qu'elle prétend alléger. Elle n'est qu'une propagande qui vous fait accepter l'inacceptable, toute la société fonctionne sur des modes similaires. On ne vous demande pas de changer, il faut perpétuer ce qui existe, et si il y a des difficultés, on va vous donner des stimulants qui vous ferons oubliés momentanément vos problèmes, ce qui revient à vous les faire accepter.

      

    Je me rends compte alors que j'ai manqué de vigilance, car la fuite devant un sentiment "pénible", est le résultat d'une théorie de la société, théorie que je pensais avoir rejeté. Je prends conscience de l'ampleur du conditionnement dû à mon environnement. Et je me dis "Comment n'ai-je pas vu cette impasse? Comment suis-je tombé dans ce vieux piège ?" En fait j'ai agit mécaniquement, comme un automate, un problème et l'action/fuite entre en marche immédiatement. Il n'y a aucune liberté dans cette manière d'agir, et c'est comme cela que je vis depuis toujours. Je découvre que le conditionnement met en place des actions purement mécaniques où la liberté est exclue. Il est évident que c'est pour cela que l'homme baigne dans cette peine et cette souffrance. Donc je vois que toute action, si l'esprit n'est pas déconditionné, toute action viendra renforcer ce qui existe, et empêchera tout changement véritable. Devant la souffrance, je ne désire plus agir sur elle, je la regarde sans projet aucun, je l'observe sans vouloir la modifier ou la déformer. Je fais corps avec elle, je reste en sa compagnie, je commence à la voir pour elle-même, et pas pour sa fin. Comprenons bien si on observe une chose pour désirer sa fin, on n'observe pas vraiment cette chose. L'observation véritable n'a pas de but, elle regarde juste pour bien voir, pour bien saisir ce qui est. Ce regard simple et curieux, ne peut-être que si l'esprit est totalement silencieux, c'est à dire sans commentaires, sans théories, sans pensées sur l'objet observé ou sur autre chose.

    C'est ce qui est observé qui importe et pas celui qui observe, alors on regarde, on observe, on scrute en détail. On voit la peine, la solitude, l'attachement, la possessivité maladive, la jalousie et la colère qui couve, on voit vraiment toute cette souffrance ; mais on ne nomme pas les sentiments. Dans ce texte nous sommes dans l'expression écrite, donc nous utilisons les mots pour communiquer, mais dans l'observation directe il n'y a aucun mot, aucune pensée, on ne nome pas ce qu'on observe, aucune étiquette ne vient recouvrir le réel. Car nous avons vu que dés qu'une chose est définie, pour l'esprit elle se réduit à cette définition et nous ne regardons plus la chose elle-même, nous regardons juste l'étiquette.

 

    L'esprit apprend à voir par lui-même directement, sans référence aux idéaux, non seulement à ceux la société, mais aussi aux siens propres. Rien ne subsiste dans l'observation profonde, seul ce qui est vu importe. Excusez-moi chers amis, mais si cela est vraiment établis dans le cœur et dans l'esprit, dans le cerveau. Si cela est réel, l'esprit n'a plus de commentaire quand il observe avec attention, l'esprit découvre alors vraiment le Silence. Pour la première fois de sa vie, l'esprit découvre quelque chose qu'il n'a jamais vu, jamais connu. Quelque chose de totalement nouveau entre en existence, et ce silence c'est le silence de la mémoire elle-même. L'esprit d'un seul coup n'est plus assujetti à la mémoire, et donc au temps, il brise cette chaîne millénaire.

    Alors quand il y a observation, cela ne se fait plus avec l'a priori de la continuité, donc la souffrance peut finir, ainsi que toutes les choses de l'esprit. Avec ce silence profond, immense, l'esprit apprend à finir les expériences, les conditionnements. Dans ce mouvement sans fin, la pensée est remise à sa juste place, et l'esprit découvre quelque chose hors du temps et des croyances humaines. Alors dans ce mouvement d'immobilité, dans cette vacuité sans fond, l'esprit finit à son tour, jour après jour. L'esprit finit tranquillement, sereinement, puis quelque chose renaît neuf et vierge de tout passé, comme une lumière vive et fraîche.

    Et vraiment mes amis, dans cette liberté nouvelle, quelque chose de totalement différent s'exprime alors. Ce n'est plus l'homme qui veut changer, c'est la totalité de la vie qui est entièrement autre.

 

 

 

 

  Paul Pujol.

 

  Texte publié dans la revue Troisième Millénaire N° 104 paru en été 2012.

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Paul Pujol - dans textes paul pujol
12 avril 2022 2 12 /04 /avril /2022 09:58

 

 

 

Nous avons le regret de vous annoncer la suppression de la chaîne Krishnamurti francophone. 

 

Voir les explications ici.

 

 

 

 

Nous avons la joie de vous annoncer la création d'une

nouvelle page sur YouTube.

 

Il s'agit de la page "Krishnamurti francophone".

 

 

 

Ce projet vise à présenter des vidéos et audio en langue française.

Que ce soit les rares enregistrements où Krishnamurti parle lui-même en Français, ou bien des documents principalement doublés en Français.

 

Cette page complète celle des fondations Krishnamurti:

"J. Krishnamurti",

et celle existante:

 "Krishnamurti en français".

 

La première de ces pages You Tube,  "J. Krishnamurti" met à disposition de nombreuses vidéos et audio en langue originale anglaise. Les fondations proposent aussi des traductions en de nombreuses langues. Donc 213 vidéos en français.

Les vidéos en langues autre que l'anglais, sont proposées en mode "sous-titrées".

 

La seconde "Krishnamurti en français", propose principalement de nombreuses lectures de textes de Krishnamurti en français. Ce gros travail est dû à Didier Artault. Vous trouverez aussi quelques vidéos de Krishnamurti sous-titrées (issues de la page K des fondations cités ci-dessus).

 

A notre sens, il manquait la présence d'enregistrements vidéos et audio en langue française, non pas en mode sous-titrés, mais "doublées" en français.

 

Il est bon de savoir qu'avant l'apparition des DVD, on utilisait des bandes vidéos, ou cassettes VHS, qui étaient lus par des magnétoscopes. Et sur ce support, les enregistrements étaient doublés, et nous sous-titrés. Donc il existe un nombre considérable d'enregistrements où le doublage est en français (et d'autres langues), gros travail fait par des membres de fondations Krishnamurti.

 

Donc rendez-vous sur cette nouvelle page You Tube

 

"Krishnamurti francophone".

Page You Tube Krishnamurti francophone
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6 avril 2022 3 06 /04 /avril /2022 09:32

 

 

 

Nous avons la joie de partager avec vous cet enregistrement

d'une conférence sur

"La spiritualité laïque".

(Conférence qui a eu lieu à Trévoux (01) en avril 2018.)

 

Voici les thèmes abordés:

 

Qu'est-ce que la spiritualité laïque?

 

Spiritualité, car notre relation au monde se fait par l'intermédiaire de notre esprit. Et devant le constat cruel de la souffrance humaine, alors qu'aucun être ne désire vivre cet état. Nous en déduisons logiquement, qu'il doit y avoir de nombreux dysfonctionnements dans l'esprit de l'homme.

 

Laïque pour indiquer qu'il peut exister une quête spirituelle authentique, en dehors de toutes organisations religieuses ou cercles ésotériques. Pour saisir le fonctionnement subtil de l'esprit, il est primordial d'être libre, libre d'explorer et de voir par soi-même.

 

Pour découvrir ce qu'est l'esprit, il faut bien saisir ce qu'est la pensée, la mémoire et le cerveau. La pensée nous enchaîne au passé, elle nous enferme dans un temps psychologique, et par sa prédominance

elle crée "le moi".

 

L'esprit n'est-il que pensées, mémoires, et souvenirs?

Nous voyons que la pensée est un processus biologique, qui existe au sein des neurones, et qui à pour siège le cerveau. C'est donc un mouvement au sein de la matière, et donc par définition, cela n'est  pas

d'essence spirituelle...

 

L'être humain peut-il aller au-delà de la mémoire, et se libérer par cela du temps? Il existe un silence immense quand la pensée se tait, quelque chose d'autre alors se révèle.

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Paul Pujol - dans Vidéos
21 mars 2022 1 21 /03 /mars /2022 20:46

 

    

 

   La découverte de "ce qui est", ne comporte aucun élément de progression. Le réel n'est pas plus découvert par une personne que par une autre. Il n'y a pas de bonne ou de moins bonne perception de ce qui est. Il y a perception ou il n'y a pas perception. Il n'y a personne au sommet, et il n'y a personne à la base ; il n'y a ni sommet, ni chemin, ni base.  

  

    Cette découverte n'est pas une studieuse accumulation de données précises. La vision de "ce qui est" libère l'homme, et cette liberté est totale, il n'y en a pas peu ou plus selon les circonstances. La liberté est plénitude, et son action n'est pas personnelle, et donc ne peut-être autoritaire. "L'acte de voir" est en dehors du temps, de telle manière, que la première vision "est" la liberté ; cette vision est sans acteur, donc sans mémoire et elle ne peut être entretenue par la pensée.

 

    La vision étant sans mémoire et sans auteur, elle se trouve dénuée de tout commentaire, donc il n'y a ni constat, ni pause. Et dans cette absence de compte-rendu, la vision et la liberté ne sont qu'une seule et même chose. L'acte de voir évolue dès le début en dehors du temps, de telle sorte que toutes notions de commencement et de développement sont inadéquates.

 

 

     

      Paul Pujol, " Senteur d'Eternité ". 
    Editions Relations et Connaissance de soi
    "L'acte de voir, et la liberté", page 74. 
  
                                                                                              

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14 mars 2022 1 14 /03 /mars /2022 12:01

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  Il ne s'agit pas de critiquer, de détruire ou de condamner ; il s'agit de discerner le pourquoi des choses, le pourquoi de toutes recherches, de toutes questions. Il nous faut comprendre le point de départ de toutes nos actions. Par la compréhension du processus mécanique de la question, on se libère ; par des réponses perpétuelles, on alimente le circuit et le cercle continue indéfiniment. Une question nous vient à l'esprit, nous nous inquiétons de ne pas avoir de réponse qui nous comble. Nous nous mettons alors en quête. On fouille, on se renseigne, et après un certain temps une réponse satisfaisante est trouvée. Cette découverte nous calme et nous rassure un moment, mais subitement une nouvelle question apparaît, nous sommes surpris de ne pouvoir y répondre. L'inquiétude prend place, et la recherche recommence une nouvelle fois, le cercle est fermé et l'on tourne en rond indéfiniment.

 

    Il ne s'agit pas de répondre aux questions, mais de discerner le pourquoi des questions. Une question apparaît quand il y a un doute, doute sur une chose que l'on croyait connaître. Ce doute entraîne un malaise, car il montre mon ignorance de cette chose. Donc le doute est lié à la connaissance des choses, je crois connaître une chose et subitement, je m'aperçois de mon ignorance. Je prends peur et vite je cherche, et trouve une autre connaissance à mettre sur l'objet.

 

    Voyons profondément ce que l'homme cherche. Est-ce la véritable connaissance de l'objet qui l'intéresse ? Ou bien cherche-t-il un moyen pour calmer et masquer sa peur intérieure ? Pourquoi ai-je peur de mon ignorance devant les choses ? Je me dis ignorant lorsque je me rends compte que ma conception d'une chose est fausse ; donc à ce moment, j'admets et constate que je n'ai jamais connu la chose. Mon état vis-à-vis de la connaissance vraie n'a pas changé, j'ai simplement éliminé une vue fausse. Envers la chose rien n'a changé, c'est uniquement une conception personnelle qui a été vue comme étant erronée. Pourquoi, par cette compréhension même, un malaise s'installe-t-il ? Pourquoi, qu'ai-je donc perdu sinon une vision illusoire ? Je devrais être satisfait de m'être délesté d'une mauvaise perception.

 

    La peur découle de la perte d'une conception personnelle. Voyons que cette peur n'a rien à voir avec l'objet et sa connaissance, l'homme se soucie uniquement de ses pensées. Le monde extérieur ne l'intéresse pas. Pourquoi l'homme se soucie-t-il essentiellement de ses pensées ? Ne peut-il regarder simplement et directement les choses ? Tout au fond de lui, l'homme sait très bien que la vie n'est que changements et mouvements perpétuels. Il n'existe rien de définitif ou d'inamovible. L'homme sait cela, mais il ne l'accepte pas, il préfère fuir et lutter contre cet état de fait. Il cherche à se rassurer en immobilisant les choses de la vie dans des pensées et des images. L'homme a bâti ses certitudes sur des pensées, mais les pensées elles-mêmes ne sont pas fixes, elles sont également en mouvance constante. La vie de l'homme ne sera qu'une continuelle tension, voulant fixer définitivement et enfermer ce qui n'est que changement et mouvement, l'homme sera dans un combat permanent, dans un conflit sans fin avec la vie et avec lui-même. Donc le point de départ, la cause première a été comprise ; elle est la non-acceptation de la vie, elle est le rejet du mouvement créatif de tout ce qui est. C'est de ce rejet que naissent les pensées.

 

    Voyons maintenant ce qui alimente en permanence le cercle, le circuit des questions-réponses. Au départ nous avons une conception sur la vie, conception découlant de la peur de cette vie. Cette conception et la vie sont deux choses très différentes, la conception est statique et figée, la vie elle, est sans cesse transformée et toujours neuve. J'ai ma conception et je suis un être vivant, en mouvement. Cette conception qui me sécurise, crée en fait une friction permanente avec le monde, tous les actes de ma vie me montrent ce combat, cette tension. L'homme ressent tout ceci, et voulant le résoudre il cherche les causes de cet état présent. Il se dit que cela découle de sa manière de penser et de concevoir la vie. L'homme va constater que ce sont ses idées qui créent le conflit. Il va regarder ses idées et va les voir comme étant une masse de définitions, d'affirmations ou de négations et il va se dire : "toutes ces idées sont fausses, car elles ne m'apportent ni la paix, ni la liberté".

 

    Donc il va douter de toutes ses définitions personnelles, il va voir et comprendre qu'il s'était persuadé lui-même, qu'il s'était auto-conditionné pour un certain type de vision. "Mais maintenant, que vais-je faire ? Encore me conditionner différemment, me convaincre qu'un autre point de vue est le bon ; ou bien vais-je essayer de voir la  chose telle qu'elle est ?"

    Voyons que je me suis convaincu grâce à des pensées, à des comparaisons et des déductions, ceci est meilleur par rapport à cela qui ne l'est pas. J'ai comparé la chose présente à de multiples choses absentes, ou à mes pensées sur toutes ces choses. A chaque pensée, je ne regardais plus devant moi, dans le présent, j'étais dans le passé d'une chose inexistante. Les pensées sont des commentaires, des comptes rendus établis par l'homme et concernent ses expériences passées. Ses conclusions découlent de certaines circonstances, de certaines informations. Notre conclusion établie découle d'une expérience passée très précise ; mais comme nous expérimentons sans cesse des choses toujours nouvelles, donc toujours différentes, nous sommes constamment confrontés à autre chose que notre conclusion, cela nous désoriente et entraîne un doute permanent. Lorsque l'homme doute, il prend une conclusion ou une pensée ancienne, et il essaie de la remplacer par une autre plus récente.

     

    Nous avons des milliers de pensées en nous-mêmes, nous pourrions nous conditionner mille fois de suite, et toujours trouver un conditionnement différent à adopter. On ne peut épuiser cela par la consommation, c'est un cercle infini, et ce cercle est nourri par la pensée. Comprenons également, que les pensées ne sont pas séparées les unes des autres, elles sont le mouvement même de l'esprit. Nous pensons remplacer une pensée ancienne et erronée, par une pensée neuve et vraie, mais le récent, dès qu'il est retenu devient lui-même l'ancien. Lorsque l'on retient une définition, la vie nous apporte immédiatement la preuve de notre erreur ; toute conclusion, quelle qu'elle soit, isole et enferme l'homme dans lui-même. La conclusion n'est jamais du présent, mais toujours du passé, elle n'est pas la vie, mais l'idée de la vie. La conclusion n'est pas la liberté, mais l'idée de la liberté ; elle n'est pas la fleur, mais l'idée de la fleur et l'idée ne possède ni couleur, ni parfum. La pensée est essentiellement cogitation intérieure, la vie elle, ne peut qu'être vécue, et quand la vie est pleinement vécue, la liberté apparaît.

 

    Ce qui nourrit en permanence le doute intérieur de l'homme a été vu : c'est le mouvement de la pensée; mouvement qui est le fait de remplacer une pensée par une autre pensée. Mais voyons profondément que la pensée dite "neuve", n'est véritablement que la suite de toutes les autres pensées; elles se suivent et se valident mutuellement. La pensée "récente" fait partie du processus mental de l'homme, elle en est le dernier morceau, et avec elle, elle entraîne la totalité de ce même processus.  Si la compréhension profonde de tout ceci a eu lieu, fait-on de cela une nouvelle conclusion ? La compréhension profonde du mécanisme des questions-réponses, met fin totalement aux questions-réponses. Cette compréhension est une vision directe, sans commentaire ; - de telle sorte que la vision réelle n'est autre que la compréhension et la fin du

problème.

 

    L'esprit qui se libère va au-delà des actions et des réflexes mécaniques. Il découvre une terre de liberté. Quand il découvre, cela n'est pas une réaction à une pression ou à un désarroi, il voit car son regard est limpide, clair.

    Dans ce pays autre, le mouvement de l'esprit est la liberté même.

    - Au-delà de la pensée, des mots et de la mémoire, l'esprit "est ".
 

      


  Paul Pujol, Senteur d'Eternité.

  Editions Relations et Connaissance de soi

  "Du processus de la question", pages 30 à 35      

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