5 octobre 2022 3 05 /10 /octobre /2022 15:08
Le murmure des étoiles...
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Paul Pujol - dans textes paul pujol
18 juillet 2022 1 18 /07 /juillet /2022 14:42

 

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    La compréhension véritable d'un problème, n'est possible que par l'approche réaliste et lucide de ce même problème. L'homme ne peut jamais résoudre ses dilemmes intérieurs, car il ne sait pas les regarder en face, de manière véritable, sans préjugés, ni a priori. L'homme ne peut s'atteler directement à la tâche, il ne peut faire face à la vie, car il ne voit qu'à travers ses idéaux et assertions personnelles.

 

    - Pour quelles raisons, l'homme est-il lié ainsi à toutes ses idées, à toutes ses pensées ? Toutes ses idées, ses commentaires, sont l'opinion personnelle de l'individu, elles sont le résultat de ses déductions propres, par là, l'homme cultive son savoir, sa connaissance. En fait, les pensées forgent une connaissance, non pas du monde extérieur, mais de soi, de son intelligence, de ses performances mémorielles, de son propre être. Les pensées forment la connaissance de l'être envers lui-même, de son parcours de la prétendue ignorance vers le prétentieux savoir. Elles font exister le "moi", et engendrent un mouvement perpétuel en lui, une constante recherche de progression intérieure. En fait, par sa préoccupation permanente de soi, l'homme ne sait plus regarder simplement les choses de la vie.

 

    Voyons également que le mouvement de la pensée, engendre une lutte constante entre "ce que je suis" et "ce que je voudrais, ou ce que je devrais être". Ce conflit crée une séparation à l'intérieur même de l'homme. Si je dois changer, en premier lieu, il y a donc un moi présent, pas un moi glorieux ou resplendissant, mais un moi triste, envieux et plein d'ambitions. Ce moi projette en permanence des buts à atteindre, afin de devenir meilleur, plus fort, ou plus aimant. Cette projection vers l'avenir fait partie du mouvement de la pensée, car la pensée ne peut être statique ; sans cesse elle change, se perpétue dans la chaîne du temps. Donc l'œuvre de la pensée crée le moi, puis projette une image d'un moi plus performant. Alors l'homme court après l'image du progrès intérieur, et cette course entraîne douleurs et violences ; - car lorsqu'un but est atteint, insatiable la pensée en crée d'autres, plus beaux, plus attirants, et l’homme reprend sa course éperdue. Il passe sa vie ainsi, jusqu'à la lassitude devant toutes ses recherches, et la mort l'emporte. Et l'homme crée encore une image sur la mort, ignorant tout de sa beauté créatrice.  

    L'homme ne peut-il jamais faire face à la vie ? Ne peut-il affronter la réalité totale du monde, ne rien rejeter, ne rien repousser, et refuser de s'abîmer dans les abstractions religieuses, philosophiques, politiques, ou autres aberrations humaines ? Tant que le moi est le centre de l'action de l'homme, la souffrance règne et l'homme ne peut "voir", pour alors découvrir et être véritablement libre. Voyons le processus de la pensée ! Lorsque l'homme essaie de résoudre un problème, que fait-il réellement ? Cherche-t-il à comprendre vraiment l'objet de sa recherche, ou cherche-t-il à vanter son savoir, à renforcer sa connaissance ? Lorsque le moi observe, il observe à partir de lui-même, de toutes les informations dont il dispose ; il regarde l’objet en le comparant à ce qu'il sait déjà, c'est-à-dire, son propre contenu. Le moi cherche dans l’observation, la confirmation de sa connaissance, il prend l'objet de sa quête comme validité de son existence propre. Le moi, à travers les expériences, cherche la confirmation de son savoir, de son habileté à agir dans la vie. L'homme n'est que faiblement conscient d'un tel processus, pourtant il ressent profondément l'état de perdition intérieure où il se trouve ; mais son action, pour y remédier, fait appel à la pensée, et donc continue et prolonge la douleur.  

   

    Le moi et son action destructrice, sont-ils inéluctables, inhérents à la vie de l'homme ? L'égocentrisme et le sentiment d'être, découlent d'un conditionnement dû à la société, à l'histoire de l'humanité, depuis bien des temps reculés. Mais la base même de ce conditionnement est, en premier lieu, le fonctionnement de la pensée dans le cadre de la psyché humaine. La pensée a créé l'illusion d'une entité propre à l'homme, elle a façonné la connaissance de soi, puis elle a engendré le temps, par l'action du devenir psychologique. Voyons que l'observation véritable, réelle, d'une chose, d'un problème, relève d'une attention essentiellement tournée vers le présent, vers l'objet lui-même. Cette attention est "absence" de savoir, de connaissance, elle est absence du moi. Cette observation autre ne peut être expérimentée par l'homme, il ne peut l'acquérir dans sa mémoire, ne peut la cultiver.

 

    Voyons que lorsque l'homme observe véritablement, son esprit devient calme et silencieux, les pensées s'apaisent, les sens sont éveillés, vifs ; et si l'homme voit directement la chose, s'il rentre totalement en elle, alors à cet instant même, l'esprit est autre, car il agit en dehors du temps. Quand l'homme regarde un problème quelconque avec un regard attentif, sans discours, ni choix, sans but, lorsqu'il voit le problème dans toute sa réalité, alors le problème n'existe plus. L'homme découvre à l'instant précis l'acte de "voir ce qui est", l'esprit d'un seul coup déchire l'entrave du temps, des millénaires mémoriels.     

    - Le "moi" se dissout, il n'existe plus.

    Le temps, le devenir sont abolis. L'homme découvre un monde nouveau, où la souffrance et la violence ne sont pas ; dans ce monde autre, différent, son cœur fleurit et l'esprit est plénitude.   

    -  Alors immuable, c'est l'infini qui "est".
 

  

  Paul Pujol, "Senteur d'éternité"

  Editions Relations et Connaissance de soi

  "Du moi", pages 97 à 101.  

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24 juin 2022 5 24 /06 /juin /2022 14:34

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    L’ailleurs ne peut jamais être rencontré par l'homme. L'ailleurs est une création mentale, création concernant une réalité dans un futur imaginaire. L'homme ne rencontre jamais le futur, et tout ce que l'homme situe dans ce futur ne sera jamais atteint. Demain est atteint par l'homme, lorsque ce lendemain est devenu l'aujourd'hui (qui lui parait toujours misérable et triste). Alors l'homme continue de projeter le bonheur dans le lendemain, dans un autre aujourd'hui, afin de continuer à fuir son aujourd'hui quotidien. L'homme fuit le quotidien de la vie, par la création d'un lendemain heureux, lendemain heureux fictif qui donne un espoir à l'homme, espoir qui jamais ne se réalisera, car tout ceci se situe dans un avenir essentiellement intellectuel.

 

    Ce mécanisme de fabrication d'un bonheur irréel, réside dans le fait de percevoir sa vie comme étant triste et misérable, exsangue de toute beauté et de toute véritable joie. Donc, l'homme perçoit la laideur, et ayant peur de cette laideur, il fabrique l'idée de beauté ; ayant fabriqué cette idée de beauté, l'homme va rêver à tout ceci. Il va y penser en permanence, et toute cette rêverie se transformera en imagination, imagination qui lui fera oublier momentanément la laideur présente. Un homme perdu en plein désert, sans eau pour étancher sa soif, peut créer l'idée de l'eau ; il peut fabuler à son sujet, bâtir une croyance, façonner une image où il se voit buvant de l'eau fraîche. Cela peut provisoirement lui faire oublier son état de soif, il peut même expérimenter des visions d'étendue d'eau, mais chacun sait que tout ceci n'est qu'un mirage, qu'une illusion des sens. De même que l'homme peut penser à l'eau et à l'action de boire, et pour autant ne rien changer à son état ; de même, l'homme peut penser à un ailleurs meilleur, à un paradis lointain, et pour autant être toujours dans la misère, et dans le triste isolement de son esprit.

    Voyons profondément ce qui est : l'homme est dans une vie misérable et dans cet état, il pense à ce que pourrait être une vie meilleure, pleine de signification et de joie. Voyons bien, la tristesse est là et immédiatement, on pense à ce que pourrait être la joie. On façonne une idée sur la joie, mais cette idée sur la joie ne change en rien notre état de tristesse. Elle peut nous le faire oublier un bref instant, agissant comme un stimulant, comme une drogue. Mais lorsque l'homme retombe dans la vie, son idée de joie n'a plus de sens, et la tristesse montre qu'elle est encore là, et qu'elle l'a toujours été.

 

    Notre idée et nos conceptions sur la joie sont basées sur la perception de la tristesse, perception qui se transforme inévitablement en peur, en refus de cette tristesse. Notre idée sur la joie est la conséquence de notre fuite devant notre véritable état de tristesse et de pauvreté intérieure. Plus encore, nos conceptions sur la joie et sur le bonheur nous indiquent un fait, nous montrent que nous sommes dans le malheur et dans la misère. Toutes ces conceptions, qui sont autant de fuites, nous ramènent inéluctablement à leur point de départ, point d'ancrage qui n'a jamais été quitté, jamais été transformé et qui se fait ressentir avec encore plus de force et de cruauté. Nos pensées sur la joie nous indiquent notre laideur, elles sont basées sur ce sentiment, et elles participent de cette même laideur.

    - une pensée sur la beauté est en elle-même la laideur ;

    - une pensée sur la joie est en elle-même la tristesse.

 

    Résumons : il y a en premier lieu la laideur et la constatation de cette laideur ; puis il y a fuite et formation d'idéaux sur la joie. Idéaux qui ne transforment rien, et qui participent même de cette laideur. Donc, s'il y a perception aiguë de tout ceci, les idéaux, les pensées concernant la beauté, la joie, le bonheur doivent être écartés, doivent être mis de côté. Si cela est réellement fait (dans la plupart des cas, cela reste intellectuel), il y a une confrontation directe avec ce qui est, avec le présent, c'est à dire avec mon désarroi et ma solitude totale. - Il y a ce qui est, il faut voir notre vie telle qu'elle est, et non pas telle que nous la désirons.

    Là encore méfions-nous des pensées qui créeront de nouveaux idéaux concernant d'autres sujets. Mais comprenons bien que s'il y a création de pensées concernant la souffrance où l'ignorance, c'est qu'il n’y a pas de réelle perception. Quelles que soient les créations mentales de l'homme, qu'elles concernent la béatitude ou la souffrance, le désespoir ou bien l'espoir ; tout cela reste du domaine spéculatif et découle d'un refus de faire face à la réalité de l'homme et du monde. - Ce qui est, c'est la solitude, la peur, la violence, l'égocentrisme, la laideur et le profit, l'orgueil de l'ambition et l'injustice, la haine, et finalement au bout du chemin, la mort.

    -Voilà ce qui est, voilà ce qu'est la vie de l'homme.

    

    Voir ce qui est, consiste à voir tout ce que l'homme engendre comme laideur dans le monde, et si l'on voit profondément ce qu'est la laideur, si on la voit véritablement : "Comment peut-on accepter de vivre avec elle, accepter qu'elle ravage tout sur son passage ? Comment peut-on accepter toutes les abominations créées par l'homme ?" Si l'on voit clairement, avec profondeur ce qu'est la laideur, la haine, l’injustice et le mensonge, alors et alors seulement, on décide de détruire toutes ces choses. On en prend la ferme décision, c'est un serment impérieux et pressant que l'on se fait à soi-même intérieurement. Voyons que si tout ceci se réalise sans aucun recours à la pensée, sans aucune idéalisation, alors la perception est autre, différente. C'est une perception directe, immédiate, d'énergie et de vie. Cette perception autre se révèle comme étant méditation pure. Méditation qui n’est pas un exercice ou une méthode apprise ; mais elle n'existe que quand il n'y a pas quelqu'un qui désire méditer, son existence ne découle d'aucune volonté, et son action n'est autre que la liberté même. Elle est observation pure, sans le mot, sans le moindre mouvement du cerveau et de la mémoire.

 

    La méditation n'est autre que la vision directe de ce qui est. Lorsque la méditation voit la laideur, elle voit tous les effets néfastes de la laideur, elle voit toutes les causes qui engendrent la laideur, et elle voit tout le mécanisme de la laideur. Voyant tout ceci, elle met fin aux effets néfastes, elle détruit les causes, et elle démonte tout le mécanisme intérieur. Par cela, elle détruit et déracine totalement la laideur, ainsi que la tristesse, l'injustice, la haine et toutes les autres folies créées par l'homme. Dans la méditation, par la vision de ce qui est, apparaissent sans un seul tressaillement du mot, sans un seul mouvement de l'esprit, apparaissent la beauté de la vie, la joie et la liberté du monde. Par le regard attentif, toutes les illusions s'étiolent, finissent par ne plus être. Toutes les conceptions d'un bonheur imaginaire s'achèvent d'elles-mêmes, sans effort, lorsque toutes les théories tombent, alors l'esprit découvre quelque chose de totalement nouveau ; 

    - alors, la méditation nous fait découvrir un monde autre, inconnu, neuf, un monde sans bornes, immensurable, infini ;

    - dans un tel monde, la joie est de toute éternité, l'amour est félicité, et le bonheur n'est plus un mot, mais il est extase.
   

 

 

    Paul Pujol, "Senteur d'éternité"

    Éditions relations et Connaissance de soi

    "Le bonheur imaginaire", pages 40 à 44.    

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18 mai 2022 3 18 /05 /mai /2022 08:37

 

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                                                                                                                  1 juin 2010

      

 

      Cette personne devait être un général d'armé ou un colonel, nous ne savions pas très bien, en tout cas c’était le chef hiérarchique de cette base militaire du sud du pays. Il était entouré de ses trois assesseurs, également des gradés, mais situés certainement en dessous dans cette même hiérarchie. Ils avaient fait venir ce tout jeune homme, qui avait à peine vingt-deux ans, et ils se trouvaient tous là dans cette pièce, pour réaliser, à leurs yeux, un acte solennel et officiel. Le jeune homme était arrivé il y avait peu de temps, et il avait refusé d’obéir à tout ordre. Il avait naturellement décliné l’uniforme, le coiffeur et tout le système de conformité qui était imposé. Mais il y avait un souci, car dans ce pays et à cette époque, cela était obligatoire et cela faisait force de loi. On était totalement conscient de ces éléments, cependant il était hors de question de porter tel ou tel habit, ainsi que de prendre une arme et d’en apprendre son fonctionnement. Tout cela avait été décliné sans agressivité d’aucune sorte, mais avec une grande fermeté.



    Naturellement cette attitude ne pouvait être tolérée, et le jeune homme se trouva emprisonné, ce qui restait logique dans ce système établi. S’il y a des règles, il y a des sanctions pour ceux qui dérogent à ces mêmes règles, aussi il n’y eut pas de surprise quand cela arriva. Mais cette personne avait une raison personnelle, privée, et elle devait sortir rapidement de cet emprisonnement. Aussi la décision fut prise de cesser de s’alimenter. En fait, le jeune homme refusait toute collaboration, même la plus minime. Il faut bien comprendre que cela se réalisa sans aucune tension, sans friction, simplement il disait "non merci" à tout ce qu’on lui présentait. Même à un statut officiel "d’objecteur de conscience", c’était la case attribuée aux personnes comme lui, et cela aussi fut refusé. Bien évidemment, ce comportement ne pouvait être toléré dans ce lieu de discipline et de soumission.

    On le mit donc en isolement, mais cela ne lui posa aucun problème. Le jeune homme était serein, tranquille, et les autres personnes ne montraient en fait que de la gêne ; mais pas une seule fois de la violence ou de l’énervement ne s’exprima. Cela durait depuis une semaine ou deux déjà, et pour la hiérarchie c’était intolérable.

    Alors ils firent venir cette personne dans le bureau du plus haut gradé de ce lieu militaire. Ils étaient tous là, avec aussi un simple soldat qui avait escorté le jeune homme jusqu’ici. Le haut gradé prit alors la parole et il expliqua le pourquoi de cette réunion ; c’était une démarche officielle prévue dans les cas de désobéissance caractérisée. Il nous dit, qu’il allait nous demander par trois fois de nous soumettre aux ordres, c’était la procédure, et les trois autres gradés subalternes servaient de témoins, afin de valider l’exactitude de ladite procédure. Nous l’écoutions sans dire un mot. Une fois sa présentation faite, il prononça, comme au théâtre, trois fois son injonction. Il est évident que nous ne répondîmes même pas, et seul le silence suivit ses demandes répétées. Il nous regarda, puis s’adressa aux trois autres individus, il dit : "messieurs, vous êtes témoins ? Nous sommes tous d’accord ?". Nous trouvions cette mise en scène un peu ridicule, mais toutes ces personnes semblaient y tenir énormément.



    Le chef s’adressa au jeune homme alors de manière moins officielle, et moins procédurale. Il lui indiqua que cette décision d’insoumission le suivrait toute sa vie, l'empêchant d’accéder à certaines fonctions, par exemple administratives. Il parla aussi du jeûne entamé, et indiqua qu’il pouvait y avoir des séquelles physiques importantes et invalidantes. Ce n’est pas qu’il était prévenant, ayant le souci de votre santé ; il cherchait juste à faire peur, ses réflexions étaient plutôt des sortes de menaces, des mises en garde concernant un sombre avenir. Le jeune homme prit alors la parole, et demanda au général d’armée s’il se rendait compte de ce qu’il disait, de la violence insensée de ses propos. La conclusion de cette expression fut : "monsieur, sincèrement, je préfère être à ma place plutôt qu’à la vôtre". Un silence gêné s’installa, on s’entendait presque respirer ; puis un geste fut fait vers le simple soldat pour qu’il nous fasse sortir et nous ramène en cellule.



    Toute la société se présente comme une succession d’institutions qui essaient d’asservir l’homme. Le but de ces mécanismes est de rendre l’homme conforme aux attentes de cette société ; il faut être soumis à la religion, à la morale sociale, à l’armée, au politique, soumis au schéma qui s’étend aussi dans le domaine privé. Ce très jeune homme était confronté, comme d’autres, à toutes ces pressions extérieures, religieuses, privées, administratives ou autres. Pour vivre en communauté, il est nécessaire d’avoir des règles et des lois ; sinon l’anarchie est là et chacun vit selon son plaisir et son désir. Par contre quand ces règles de vie commune s’étendent à notre manière de voir la vie, quand elles veulent nous contraindre à penser de telle ou telle façon, là le chaos est dans le monde. Il s’ensuit que chacun choisit un camp, chrétien, bouddhiste, français ou allemand ; chacun choisit sa case de conformité, et le désordre court, la fragmentation de la société se met en place.

    Les hommes se brutalisent, s’entretuent ; le frère contre le frère, le fils contre le père ; ne voyons-nous pas toute cette folie ? Il nous faut absolument et totalement être libres, cela ne veut pas dire "faire ce qui me plaît", car "ce qui me plaît" est le conditionnement que la société m’a inculqué, n’est-ce pas ? Etre libre, c’est être totalement seul, insoumis et responsable de l’état du monde. 

  

    Être insoumis, totalement insoumis, c’est être hors du monde des hommes. Celui qui demeure seul, entier, "est" imperturbable comme un roc ou une montagne. Alors véritablement, un autre mouvement naît dans l’esprit, un mouvement sans fin, insondable.

 

 

 

  Paul Pujol, " Senteur d'éternité ".

  Editions Relations et Connaissance de soi

  "De l'autorité et de l'insoumission", pages 153 à 156.

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9 mai 2022 1 09 /05 /mai /2022 10:01

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Trévoux le 8 avril 2012

         

       Qu'est-ce que le changement intérieur, psychologique ? Quand les hommes parlent de "ce changement", qu'entendent-ils par cela ? Pourquoi l'homme veut-il changer, et le veut-il réellement, profondément ?

    Pourquoi l'homme se soucis-t-il du changement, pourquoi ce désir ? On veut changer car ce que nous avons, ou ce que nous sommes ne nous satisfait pas. Parce que nous ne sommes pas heureux, épanouis dans notre vie, dans nos relations. Nous n'avons pas dans notre cœur la simple joie de vivre, en fait nous avons perdu le sel même de la vie. L'homme n'est pas heureux, alors il se dit qu'il doit changer, qu'il doit se transformer pour découvrir autre chose, autre chose que cette vie triste et misérable. Voilà le point de départ, le moteur de cette volonté de changement, l'homme n'est pas heureux et il veut naturellement sortir de cet état.

    Donc tout le monde parle de changement, tout le monde le désire, on fait des réunions, des colloques, on écrit de nombreux livres. On invente des "nouvelles techniques" psychologiques ou des "méditations" révolutionnaires, mais malgré tout cela, malgré tous ces nouveaux jouets pour l'esprit, profondément l'homme reste-le même. Toutes ces actions sont-elles adéquates ? Car c'est bien le problème de l'action qui se pose à l'esprit ; une fois le constat fait "Je ne suis pas heureux", que fait-on ? Qu'elle est l'action qui mettra fin à cette souffrance et rendra mon cœur léger ?

      

     Alors je fais face à ce que je suis, je vois que je ne suis pas heureux et je constate aussi que dans la société il existe de nombreuses personnes qui disent avoir changé, alors qu'il n'en est rien. Je comprend par cette observation que la changement est assez rare, et que la plupart du temps, l'homme change juste l'extérieur, il était Chrétien et il devient Bouddhiste, vivant en Europe, il part en Inde ou en Asie. Si possible un changement se doit d'être exotique, c'est beaucoup mieux et c'est bien plus valorisant. Mais là bas aussi l'homme souffre, la violence et l'ambition règne, le pouvoir et la hiérarchie régente les rapports humains. On troque le quotidien pour l'exotique, mais après quelques temps, cette "exotique" serra devenu mon quotidien, et rien n'aura changé profondément. Je comprends que les changements extérieurs ne résolvent pas le problème de la souffrance, ils peuvent agir comme un stimulant pendant un certain temps, mais quand l'euphorie retombe, on se retrouve toujours au même point.

    Je vois et je saisi que les actions venant de l'extérieur sont vécue comme des stimulants par l'esprit, comme une "drogue" qui fait oublier momentanément mon état présent ; en fait ces stimulants me distraient, me détournent du réel, mais jamais ils ne m'aident à comprendre et à voir directement ce réel.

    Là, cette enquête soulève une question importante, cruciale : Peut-on comprendre notre état d'esprit, en l'occurrence "je ne suis pas heureux", et par cette compréhension profonde, mettre fin à cet état ?  C'est la seule chose qui vaille, n'est-ce pas ? Peut-on mettre fin à la souffrance humaine ? Non pas intellectuellement, en s'enivrant de mots et de discours, mais très concrètement, cette souffrance peut-elle finir à tout jamais ?

 

   La toute première chose, nous l'avons vue, est de refuser de partir dans des excitants, des stimulants qui nous détournent du réel. Donc je ne désire pas de techniques, pas de méthodes époustouflantes qui déconditionnent l'esprit en deux ou trois séminaires bien payés. Je sens que je dois comprendre par moi-même le fonctionnement de l'esprit, car je sens, même de manière confuse, que c'est l'esprit lui-même qui crée sa propre souffrance. Je vois tout autour de moi, combien les gens tombent facilement dans le dernier "maître spirituel" à la mode, combien ils succombent à la propagande des religions et des différentes sectes en vogues. Alors je fais le lien entre mon état intérieur et l'état du monde des hommes, de la société. Soudain je vois que mon état d'esprit, ma perdition et mon désarroi, ma souffrance, tout cela c'est aussi l'état d'esprit des autres êtres humains. Il n'y a pas de différence sur le fond, l'humanité crée sa propre souffrance, et chaque être humain connaît la peur, l'effroi devant la mort, l'immense solitude intérieure et la peine de vivre. Tous nous trouvons cela injuste et cruel. Là, je pressens que la fin de la souffrance dépasse complètement "ma personne", car la souffrance n'est pas une histoire individuelle, elle concerne l'humanité toute entière.

    Alors je reviens à mon interrogation première qui s'est modifiée, elle est devenue : "l'être humain vit dans la souffrance, peut-on mettre fin à cette souffrance, totalement et définitivement ?"

  Le vrai changement c'est cela, n'est-ce pas ? Quelque chose existe depuis la nuit des temps, cette immense peine qui étreint le cœur de l'homme, cela est notre présent, notre Histoire. Peut-on mettre fin à cela, peut-on sortir de l'Histoire, rompre les chaînes du temps ?

 

   Mon état présent a été créé par mon histoire, par mes expériences, par mes tendances et mes idées. Tous ce que je suis est le résultat de contacts avec le monde, et de ma manière d'intégrer ces expériences, de les interpréter et de les assimilées. Ce qui constitue mon esprit est le produit de tout ce processus, mais je ne suis pas un individu isolé, j'ai été éduqué dans telle ou telle société qui elle-même a des modèles et des préférences culturelles, sociales et religieuses. Modèles liés à sa propre histoire, histoire elle-même influencé par l'histoire d'autre cultures ou religions. Donc nous voyons que la manière de traiter les expériences de la vie, est conditionnée par notre environnement social et culturel, lui-même étant conditionné par des influences historiques et géographiques.

   Venons-en à voir si cette société de l'homme engendre la paix ou bien la souffrance ou la guerre. Un regard impartial suffit à répondre à cette question, malgré les progrès techniques considérables, malgré les richesses produites, la souffrance règne sur le monde des hommes, partout l'injustice, le malheur et la souffrance. Il faut voir les choses telles qu'elles sont, la société génère des inégalités flagrantes, qui sont sources de conflits et de guerres. La souffrance court sur le monde, elle brûle nos vies et nos relations.

 

    Cette investigation m'amène à voir tout cela, mon esprit est le produit de mes expériences, et la manière de gérer ces expériences est venue en grande partie de mon éducation. Il y a un lien naturellement, mon esprit engendre la souffrance et la société engendre aussi cette souffrance. Donc il est primordial que je me déleste des références liées à la société, afin d'avoir une relation totalement différente avec les "expériences" de la vie. Si tout cela est bien vu, je n'accepte plus les explications toutes faites des autres, des religions, des psychologues, et je remets en questions également les miennes. Je n'admets absolument rein au préalable...Voit-on bien ce que cela représente ? Je n'admets aucune théorie inventé par les hommes, aucune philosophie, aucune croyance, car elles sont le résultat de cette "machinerie" que engendre la souffrance. Toutes les explications sont vues comme étant erronées, fruit de l'histoire et enfants de la souffrance.

  Mais que reste-t-il à l'esprit si cela est fait, véritablement, réellement. Il y a cette peine de vivre, ce sentiment de mal être, et maintenant je ne lui plaque plus dessus une savante théorie, réincarnation, enfance maltraitée ou autre, je laisse tout ça de côté. Donc cette sensation est là, très vivante et lancinante, que fait alors l'esprit ? Il ne se rattache plus aux conceptions humaines, c'est à dire qu'il ne leur accorde plus aucune importance, ce qui compte c'est cette sensation. Peut-on rester avec elle, afin de la comprendre, afin de mieux la voir ? Pour comprendre une chose il est évident qu'il faut d'abord l'observer, être avec elle, rester en sa compagnie...

    Qu'est-ce que cela veut dire ? Rester en compagnie d'un sentiment, être avec lui, c'est d'abord ne pas le rejeter, le fuir et faire un déni de sa réalité. Ce sentiment existe, "je suis triste" ou "je suis anxieux", peut-on d'abord ne pas fuir ? Pourquoi veux-t-on fuir une chose, y a-t-il une raison, un a priori dans cette action ? Je fuis devant ma peine, car je suis sur que je ne peux pas en finir avec elle, depuis toujours elle m'assaille, ne pouvant pas en finir, je préfère l'oublier en pensant à autre chose. Alors je m'enivre d'alcool, ou bien de méditations ou autres exercices exotiques, cela me distrait, mais cela ne résout strictement rien du tout. Je vois que cette diversion en fait, réellement me fait accepter la situation, et cela abêtie mon esprit, ces drogues stimulantes, prière et autre mantra engourdisse le cerveau. Loin d'aiguiser l'esprit, de le rendre vif et rapide, elles l'alourdissent et le rendent pataud... Et soudain je vois quelque chose qui se dévoile à mon regard, regardons bien, s'il vous plaît nous sommes entrain d'apprendre, d'explorer ensemble. Soudain je vois très clairement, que toutes ces fuites en fait, sont une des raisons qui empêchent tout changement. En effet elles disent "Nous allons vous aider à supporter ce fardeau, à le rendre plus léger", mais en fait elles font accepter le fardeau à l'esprit. Il n'y a aucune naissance d'un regard clair, d'une compréhension vivante qui met fin au fardeau.

    Donc voyons bien, avec profondeur et discernement, toute fuite nourrit ce qu'elle prétend alléger. Elle n'est qu'une propagande qui vous fait accepter l'inacceptable, toute la société fonctionne sur des modes similaires. On ne vous demande pas de changer, il faut perpétuer ce qui existe, et si il y a des difficultés, on va vous donner des stimulants qui vous ferons oubliés momentanément vos problèmes, ce qui revient à vous les faire accepter.

      

    Je me rends compte alors que j'ai manqué de vigilance, car la fuite devant un sentiment "pénible", est le résultat d'une théorie de la société, théorie que je pensais avoir rejeté. Je prends conscience de l'ampleur du conditionnement dû à mon environnement. Et je me dis "Comment n'ai-je pas vu cette impasse? Comment suis-je tombé dans ce vieux piège ?" En fait j'ai agit mécaniquement, comme un automate, un problème et l'action/fuite entre en marche immédiatement. Il n'y a aucune liberté dans cette manière d'agir, et c'est comme cela que je vis depuis toujours. Je découvre que le conditionnement met en place des actions purement mécaniques où la liberté est exclue. Il est évident que c'est pour cela que l'homme baigne dans cette peine et cette souffrance. Donc je vois que toute action, si l'esprit n'est pas déconditionné, toute action viendra renforcer ce qui existe, et empêchera tout changement véritable. Devant la souffrance, je ne désire plus agir sur elle, je la regarde sans projet aucun, je l'observe sans vouloir la modifier ou la déformer. Je fais corps avec elle, je reste en sa compagnie, je commence à la voir pour elle-même, et pas pour sa fin. Comprenons bien si on observe une chose pour désirer sa fin, on n'observe pas vraiment cette chose. L'observation véritable n'a pas de but, elle regarde juste pour bien voir, pour bien saisir ce qui est. Ce regard simple et curieux, ne peut-être que si l'esprit est totalement silencieux, c'est à dire sans commentaires, sans théories, sans pensées sur l'objet observé ou sur autre chose.

    C'est ce qui est observé qui importe et pas celui qui observe, alors on regarde, on observe, on scrute en détail. On voit la peine, la solitude, l'attachement, la possessivité maladive, la jalousie et la colère qui couve, on voit vraiment toute cette souffrance ; mais on ne nomme pas les sentiments. Dans ce texte nous sommes dans l'expression écrite, donc nous utilisons les mots pour communiquer, mais dans l'observation directe il n'y a aucun mot, aucune pensée, on ne nome pas ce qu'on observe, aucune étiquette ne vient recouvrir le réel. Car nous avons vu que dés qu'une chose est définie, pour l'esprit elle se réduit à cette définition et nous ne regardons plus la chose elle-même, nous regardons juste l'étiquette.

 

    L'esprit apprend à voir par lui-même directement, sans référence aux idéaux, non seulement à ceux la société, mais aussi aux siens propres. Rien ne subsiste dans l'observation profonde, seul ce qui est vu importe. Excusez-moi chers amis, mais si cela est vraiment établis dans le cœur et dans l'esprit, dans le cerveau. Si cela est réel, l'esprit n'a plus de commentaire quand il observe avec attention, l'esprit découvre alors vraiment le Silence. Pour la première fois de sa vie, l'esprit découvre quelque chose qu'il n'a jamais vu, jamais connu. Quelque chose de totalement nouveau entre en existence, et ce silence c'est le silence de la mémoire elle-même. L'esprit d'un seul coup n'est plus assujetti à la mémoire, et donc au temps, il brise cette chaîne millénaire.

    Alors quand il y a observation, cela ne se fait plus avec l'a priori de la continuité, donc la souffrance peut finir, ainsi que toutes les choses de l'esprit. Avec ce silence profond, immense, l'esprit apprend à finir les expériences, les conditionnements. Dans ce mouvement sans fin, la pensée est remise à sa juste place, et l'esprit découvre quelque chose hors du temps et des croyances humaines. Alors dans ce mouvement d'immobilité, dans cette vacuité sans fond, l'esprit finit à son tour, jour après jour. L'esprit finit tranquillement, sereinement, puis quelque chose renaît neuf et vierge de tout passé, comme une lumière vive et fraîche.

    Et vraiment mes amis, dans cette liberté nouvelle, quelque chose de totalement différent s'exprime alors. Ce n'est plus l'homme qui veut changer, c'est la totalité de la vie qui est entièrement autre.

 

 

 

 

  Paul Pujol.

 

  Texte publié dans la revue Troisième Millénaire N° 104 paru en été 2012.

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